Diplôme Art 2014 : Baptiste Dion

"Ruines en chantier". Prix Prisme 2014

Extrait du mémoire : Ruines en chantier

« Venant d’une famille paysanne, fortement ancrée sur le territoire des Ardennes, mon approche artistique, autant pratique que théorique, s’est portée sur des mouvements proches de l’environnement, du territoire, et de leur évolution dans le temps. J’ai souvent été alerté autour des problèmes, des menaces que pourraient rencontrer ces territoires, urbains et ruraux, habités ou non. Savoir de quelles manières nous utilisons ce territoire, en quoi et vers quoi nous le modelons, nous le façonnons et le faisons évoluer. Comme point de départ, nous mesurerons à quel point la pratique de Robert Smithson trouve un écho dans les questions contemporaines, cinématographiques, esthétiques et sociales. L’héritage qu’il a laissé dans le milieu artistique est important. Le «paysage entropique» smithsonien, nous amènera à réfléchir sur les ruines que nous a léguées l’histoire, de ce que nous laisserons derrière nous après notre passage sur terre. Et ainsi étudier le rapport qu’entretient l’homme aux ruines, à la destruction et à la catastrophe en fonction des diverses conceptions du temps, de l’histoire et de la mémoire. Terre Ardennaise meurtrie par deux grandes guerres successives, l’importance de la transmission de l’histoire et de la mémoire des ruines ont engendré mon besoin personnel d’écrire sur ces thèmes. Quelle responsabilité avons-nous face aux ruines? Quelle attention devons-nous porter sur celles-ci ? Pourquoi avons-nous peur de ce vide et de cette disparition et cherchons-nous à les remplacer par un plein ou par une construction ? Par quelle énigme les ruines peuvent-elles gagner une importance poétique voire esthétique ? […] Près de cinquante ans après The Monuments of Passaic, Bruce Bégout nous parle dans son essai Suburbia, de ce qu’occasionnent aujourd’hui les banlieues, les «slurbs», que nous mettait en images Robert Smithson. Cet essai Suburbia définit avec beaucoup de justesse et de précautions ce qu’est justement la suburbia. Enrichi d’informations complémentaires à caractère sociologique, il nous présente l’extension des villes au-delà de leurs limites, de leur matérialité et nous renseigne sur la dissolution de l’urbain dans un espace sans centre ni périphérie, là où est condensée la négativité. Bruce Bégout nous éclaire sur la suburbia, autrement dit ces banlieues infinies où sont massés les habitants des sociétés contemporaines. On comprend mieux comment l’hyper-consumérisme, la pression écologique, la violence urbaine, le repli individualiste et défensif, l’enlaidissement des entrées de ville, la peur, l’isolement, le vide culturel, l’ennui peuvent avoir raison des replis populations qui y vivent. La suburbia, c’est aussi ce qui concentre nos névroses, et ce qui laisse advenir la négativité de l’existence. Bruce Bégout dépeint un espace clos en apparence sans valeur, sans sens et dépourvu de beauté, les hommes y cherchent une liberté qu’ils ne parviennent pas à conquérir. […] La suburbia, c’est aussi un espace infini qui ne connaîtrait pas de limite géographique, un territoire sans frontières, un espace dissolu où se perpétuent ce que Bégout appelle des « conglomérats » rassemblés les uns près des autres, produisant des êtres « urbains » à la fois sans repères et non repérés, perdus dans le faubourg, dans la masse. […] »