DNSEP Design Graphique 2018 : Alice Dubreuil

Nous avons tous en tête le discours de Martin Luther King et son refrain «I have a dream», celui de Charles de Gaulle et son fameux «Paris libéré !», ou encore le non moins célèbre «Yes we can» de l’ex-président américain Barack Obama.

Déclamation graphique

Ces discours politiques fonctionnent comme des musiques que l’on fredonne ; ils ont pour effet de nous galvaniser, de nous fasciner. On se souvient davantage des performances vocales et physiques de leurs orateurs que des arguments employés.

Perceptivement, les éléments prosodiques de la voix, c’est-à-dire le rythme, la tenue, l’intensité et l’intonation mais aussi les pauses et les silences nous permettent la compréhension d’informations essentielles, au-delà des mots prononcés.

Mais que se passe-t-il lorsque le discours, privé de la voix et des gestes de l’orateur, privé de son contexte et de son public, se retrouve retranscrit à froid sur papier ? Le texte du discours ne fait pas le discours. En le voyant écrit, nous ne sommes pas soumis à l’expérience hypnotique de la performance vocale, nous perdons l’essence même du discours.
Comment retrouver dans le discours écrit le niveau de communication lié à la voix, aux gestes et au contexte de ce discours ?

Dans un premier temps, j’ai imaginé un système paramétrique comprenant 16 variantes typographiques pouvant couvrir (à quelques exceptions près) l’ensemble des sons émis par les orateurs. Ce système, je l’ai appliqué de la même manière à tous mes discours.

Dans un second temps, j’ai ajouté des inserts propres à chaque discours (photos, trames, mots…), permettant de saisir le caractère singulier des politiciens et de leurs messages.

Le livre devient ici un relais graphique, une partition analogue à celle du musicien. Il contient en quelque sorte le discours captif, privé de sa qualité sonore, réduit aux deux dimensions de la page. C’est une manière de rendre lisible et visible un phénomène qui est crypté.